LE SANDZAK VEUT SON AUTONOMIE MAIS PAS L'INDÉPENDANCE DU MONTÉNÉGRO |
20.11.2000 |
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Un reportage de l'AFP
NOVI PAZAR - Délaissée ou combattue par Slobodan Milosevic, la communauté musulmane de Yougoslavie (hors Kosovo), concentrée au Sandjak, région pauvre à cheval entre la Serbie et le Monténégro, attend du nouveau pouvoir à Belgrade l'instauration d'une autonomie territoriale.
Novi Pazar, 80.000 habitants, chef-lieu gris et poussiéreux d'une zone montagneuse de 8.887 mètres carré, exhibe ses 35 mosquées hérissées de fins minarets. En plein centre, la seule école coranique de Yougoslavie -Kosovo mis à part- accueille dans ses bâtiments quasiment neufs quelque 200 étudiants, garçons et filles, engagés pour quatre années dans des études de théologie.
"Ici on ne fait pas de politique", affirme dans son vaste bureau le directeur de l'établissement, Mevlud Dudic, portant costume, cravate et barbe noire bien coupée. "Mais si les politiciens agissent contre nos intérêts, nous n'hésiterons pas à nous insurger", ajoute-t-il. Pour lui, la pérennité de l'Islam au Sandjak, qui puise ses racines dans l'ancienne suprématie ottomane sur les Balkans, n'est pas discutable. Sur les quelque 400.000 habitants que compte le Sandjak, 60% sont de religion musulmane (sunnite) et 40% de religion orthodoxe, mais tous parlent le serbe.
L'indépendance du Sandzak n'est plus à l'ordre du jour
"Milosevic a toujours cherché à se débarrasser des musulmans, il voulait un Sandjak pur", rappelle Sulejman Ugljanin, ancien président du Parti d'action démocratique (SDA). Ce mouvement, très lié aux musulmans de Bosnie, revendiquait au début des années 90 la mise en place d'"une république du Sandjak", au besoin par les armes. "La donne a changé aujourd'hui, les nouveaux dirigeants à Belgrade ont lutté comme nous contre l'ancien régime de Milosevic, il n'est plus question de séparation", souligne Ugljanin.
Le Conseil national des Bosniaques du Sandjak (BNVS), qui fédère plusieurs formations politiques issues de la région, et que préside aujourd'hui Ugljanin, veut en revanche se battre pour obtenir un statut d'autonomie, disposer, comme la Vojvodine (nord), de son propre parlement, et en finir avec une législation jugée discriminatoire à l'égard des musulmans. Mais le temps est révolu, déclare à l'AFP Ugljanin, où l'antagonisme entre les communautés musulmanes et orthodoxes était sans cesse alimenté par Belgrade. Certes, les plaies sont encore vives. Kidnappings, assassinats, attaques de villages et incendies de maisons -317 selon un chiffre précis fourni par Ugljanin- ont visé pendant des années les musulmans du Sandjak pour les inciter à fuir. Soixante-dix mille d'entre eux, selon le BNVS, se sont effectivement expatriés, essentiellement en Europe, à partir de 1992. Le Conseil s'est donné pour tâche d'encourager leur rapatriement. "Aujourd'hui, nous prônons un Sandjak multi-confessionnel", affirme le chef du BNVS. Dans ce contexte, les musulmans souhaitent prendre une part active au débat entamé sur la redéfinition des relations au sein de la Fédération yougoslave.
Contre l'indépendance du Monténégro
Le BNVS veut surtout empêcher l'indépendance du Monténégro qui entraînerait l'éclatement territorial du Sandjak. Cinq des onze municipalités de la région se trouvent sur le sol montenegrin. Selon Sefko Alomerovic, président local du Comité d'Helsinki pour les droits de l'homme, orthodoxes et musulmans du Sandjak sont condamnés à coopérer. "Sur les 735 villes et villages recensés au Sandjak, trois seulement sont confessionnellement homogènes", relève-t-il. Les incidents inter-communautaires sont aujourd'hui l'exception, mais la méfiance reste encore très présente.
Si les musulmans du Sandjak ont massivement voté lors des dernières élections présidentielle et législatives pour Vojislav Kostunica et sa coalition, les Serbes orthodoxes se sont prononcés pour le maintien de l'ancien régime.
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