Les partis indépendantistres sont soulignés par l'arc blanc. Taux de participation: 81,9 % Vu l'enjeu, la mobilisation de la population fut très forte malgré le mauvais temps. Les zones albanophones semblent s'être moins déplacées mais le Nord, majoritairement peuplé de Serbes, affiche le plus fort taux de participation. Quelques irrégularités minimes ont été constatées dans diverses localités mais rien qui puisse avoir une incidence notable sur l'issue du scrutin d'après les observateurs.
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Milo Djukanovic, le président du Monténégro, a opéré une volte-face extraordinaire qui restera dans les annales de l'Histoire. Que s'est-il donc passé pour que ce grand défenseur de la cause serbe devienne, en moins de deux ans, un nationaliste monténégrin 100% pur souche? Certains d'entre-vous ne le savent peut-être pas mais en 1991, lorsque les obus (que les médias occidentaux attribuent exclusivement aux Serbes) tombaient sur Dubrovnik, tout le monde s'en offusquait et désignait la Serbie comme le vil responsable. Il faut toutefois rappeler que des unités spéciales de l'armée croate savaient comment accentuer les dégâts sur la perle de l'Adriatique en brûlant des bidons d'essence et des pneus pour que les photographes et les caméramans aient de la matière... Cependant, en relisant les articles de la presse yougoslave de l'époque, il y a de quoi sourire. En effet, même le quotidien belgradois Politika (à la solde de Milosevic) avait critiqué la violence extrême des troupes monténégrines du Président Momir Bulatovic et de son Premier Ministre Milo Djukanovic (2e à droite sur la photo) sur Dubrovnik.
Milo Djukanovic, avec Momir Bulatovic (1er à droite sur la photo), fut le plus fidèle allié de Slobodan Milosevic au Monténégro, à l'époque, compères coulés dans la même idéologie communiste: "Slobodan Milosevic est la meilleure chose qui puisse arriver à la Yougoslavie en ces moments où les forces fascistes vampirisées en Croatie et en Slovénie essayent d'anéantir tout ce qui a été construit depuis 1945. Je suis fier d'être, en ces moments historiques, épaule contre épaule avec lui pour défendre les acquis de la révolution" (Ilustrovana Politika, 1992). Djukanovic organisait personnellement la constitution d'unités paramilitaires envoyées en Bosnie pour faire du "nettoyage". Et certains Bosniaques s'en souviennent encore aujourd'hui: "Les unités de Momir et de Milo étaient les plus violentes, pire que les unités serbes de Serbie". Les guerres terminées, Djukanovic s'est enrichi, du moins d'après le secret de Polichinelle qui circule, de manière frauduleuse grâce à de grands trafics en collaboration avec des mafias italiennes. Certes, ces revenus exceptionnels ont aussi servis à financer les pensions et certains salaires d'où une certaine compréhension au Monténégro car c'était l'époque des embargos contre la République Fédérale de Yougoslavie. Mais l'enrichissement est aujourd'hui tellement visible qu'il dégoûte un grand nombre de citoyens. Jusqu'à une époque très récente (vers l'été 2000), Djukanovic répétait à chaque conférence de presse que l'option fédéraliste avec la Serbie avait les faveurs du gouvernement monténégrin mais que le problème restait Milosevic. Plus Milosevic restera au pouvoir, plus le temps passera, temps que le Monténégro ne saurait plus supporter et devrait prendre son avenir en mains de manière douce et diplomatique. C'était clair, le Monténégro voulait vivre avec la Serbie. Cependant, quelques jours après la chute de Milosevic le 5 octobre 2000 et l'instauration d'une véritable démocratie en Serbie, Djukanovic a subitement changé de discours, comme si la situation nouvelle qui ravit le monde entier ne lui plaisait pas. Et comme cela, pratiquement du jour au lendemain: - les Monténégrins ne sont pas, d'un point de vue ethnique, des Serbes; Alors que tout le monde espérait un nouveau raccord entre la Serbie et le Monténégro après le 5 octobre 2000 (comme il avait été convenu entre les Monténégrins et DOS (opposition serbe) à l'époque de Milosevic), Milo Djukanovic a lancé une politique indépendantiste beaucoup plus agressive comme si la nouvelle démocratie installée en Serbie était pire que le régime Milosevic! Beaucoup d'observateurs cherchent encore aujourd'hui à comprendre ce revirement. Certains n'y voient que l'intérêt du cercle restreint du Président pour asseoir le pouvoir et la constitution de richesse. Devant son insistance à vouloir organiser un référendum sur l'indépendance, un des partis qui formait la coalition au pouvoir "Pour Vivre Mieux", le NS (Narodna Stranka - Parti Populaire - serbe modéré) claqua la porte du gouvernement en décembre 2000. Celui-ci devenant insolvable (sans majorité au Parlement), il fallait convoquer des élections législatives pour que les représentants de la nation soient en accord avec l'humeur de la population. Plus longtemps Milosevic était au pouvoir, plus la population (même les Monténégrins qui estiment que les Monténégrins sont d'un point de vue ethnique des Serbes), se désolidarisaient du grand frère du Nord et commençaient à favoriser Djukanovic. Ils n'ont pas oublié non plus comment Milosevic les a traité en modifiant assez brutalement la Constitution, réduisant les prérogatives du Monténégro... Mais maintenant que Milosevic n'est plus, le gouvernement monténégrin veut faire très vite, maintenir le feu tant qu'il est encore ardent. Mais rien n'est moins sûr car les nombreux sondages sont contradictoires. Si la plupart des enquêtes indiquent une légère avance pour les partis indépendantistes, la côte de popularité des partis unionistes a augmentée de manière spectaculaire ces dernières semaines avec notamment un meeting à Niksic cette semaine que même les indépendantistes ont qualifié d'exceptionnel par son engouement et son ambiance. Même les Serbo-monténégrins qui ont voté Djukanovic semblent accorder à nouveau leur confiance aux partis yougoslaves. Les autorités ont déployé des trésors d'imagination pour convaincre la population de voter pour la coalition indépendantiste notamment en distribuant, à moins de cinq jours du scrutin, des bons de privatisation à tous les citoyens majeurs. Puis des pensions et des salaires en retard ont été miraculeusement payés ces dernières semaines. La culture serbe est de plus en plus dénigrée dans des médias (presse écrite, presse audio-visuelle, sites Internet,...) indépendantistes qui composent plus de 95% du paysage médiatique. Par exemple, lorsque des associations de la diaspora monténégrine envoyent des communiqués pour signaler leur position unioniste, les médias les ignorent. Mais lorsque des groupuscules isolés et peu représentatifs de la diaspora indépendantiste se manifestent en dénigrant les communiqués des unionistes, alors ils sont publiés! Drôle de démocratie... Tous ces médias sont subsidiés par le gouvernement avec des fonds étrangers qui sont depuis moins importants. Djukanovic assure qu'un Monténégro indépendant est viable économiquement. Peu d'économistes et d'analystes partagent son avis: le Monténégro présente une dette extérieure de 500 millions d'euros (1 milliard de DEM) et ne produit quasiment rien de bien particulier qui puisse intéresser d'autres pays. D'après ces mêmes analystes, un Monténégro indépendant n'est viable qu'avec des baxters occidentaux. De très gros baxters... La balance des importations/exportations est largement déficitaire malgré une désinformation grossière parue ce vendredi qui indique que le Monténégro présente un commerce extérieur excédentaire avec le monde et surtout avec la Suisse. Un mensonge. Un des échecs cuisants de la politique de l'actuel gouvernement est la situation économique qui ne s'est pas améliorée depuis environ un an et qui a même commencée à se dégrader depuis le début de l'année; malgré l'introduction d'un mark allemand jugé salvateur. Il ne faut en effet pas être grand clerc pour comprendre qu'un pays ne peut adopter comme monnaie principale une forte monnaie occidentale (le mark allemand en l'occurence) s'il ne produit pas assez. La désinformation a été quasi permanente lors de cette campagne où chaque camp a subtilement distillé des informations erronées pour désorienter l'électorat. Mais grâce à leurs moyens financiers importants, les indépendantistes n'ont pas fait dans la dentelle en ce qui concerne la propagande. On estime que la coalition indépendantiste de Milo Djukanovic dispose d'un budget de campagne de 1 million d'euros (2 millions de DEM) contre la moitié pour la coalition "Ensemble pour la Yougoslavie". La coalition indépendantiste a surtout mis en avant la fierté de l'État souverain et indépendant avec un siège à l'ONU, l'indépendance et la prospérité économique, la fin du "mythe" de la serbité du Monténégro. La coalition ne reconnaît pas la Fédération et dénonce la politique des nouvelles autorités serbes "qui n'est que la suite de la politique de Milosevic". La coalition unioniste dénonce la "dérive progressive causée par les trafiquants au pouvoir qui innondent le pays et surtout les jeunes de produits stupéfiants", le trafic de cigarettes et d'alcool par ces mêmes hommes du président, le révisionnisme historique, culturel et religieux soutenu par les autorités, la mainmise sur les médias qui ne font pas preuve d'objectivité, l'État-policier avec un 1 policier pour 20 habitants. La coalition table sur la devise de l'union qui fait la force en rappellant l'appartenance historique du Monténégro à la nation serbe et sur les acquis démocratiques de la nouvelle Serbie, État le plus puissant de la région. Il est aussi étonnant de constater que le Monténégro est le seul pays au monde qui soit autant divisé, pas seulement en des conceptions politiques antagonistes mais aussi en des conceptions philosophiques, culturelles ou religieuses. Si les indépendantistes l'emportent, le référendum sera alors possible. Possible car pour qu'un référendum soit organisé, il faut que les 2/3 du nouveau Parlement votent la loi le régissant. Le DPS et le SDP auront besoin des voix du LSCG et des partis albanais. Ce qui est tout à fait plausible. Et si le Monténégro devient indépendant, un vaste mouvement de révision de l'histoire et de nettoyage de la culture serbe risque d'être enclenché par les nationalistes qui vont aussi créer une "nationalité monténégrine", une exclusivité car cette nationalité n'a jamais existée. Si les unionistes gagnent, il n'y aura pas de référendum et l'on revient à la situation de 1992 (année de la création de la RFY) mais avec une nouvelle Constitution fédérale, ils l'ont promis. Si aucune des deux coalitions ne l'emporte, le sort du Monténégro sera alors arbitré par les partis albanais et musulmans. Les Albanais favorisent l'indépendance, les Musulmans l'union pour éviter que leur région, le Sandzak, à cheval sur la Serbie et le Monténégro, n'éclate. Même si beaucoup d'observateurs sont confiants quant au déroulement pacifique du processus (post-)électoral, dans les deux cas de figure, des troubles sont possibles car les espoirs de chaque camp sont très grands... immenses. Et lorsqu'on lit que certaines régions du Nord, à fortes majorités serbes, sont prêtes à demander le rattachement à la Serbie si le Monténégro devient indépendant, on peut craindre le pire... Mais la Serbie a promis de reconnaître les résultats, quels qu'ils soient, et on compte sur elle pour jouer le rôle de nouveau pacificateur dans les Balkans. Le Président Kostunica a aussi déclaré que si le Monténégro devenait indépendant, la Serbie n'a aucun intérêt à créer une sorte de confédération avec le nouveau pays. L'attitude conciliante de la Serbie sur la question monténégrine est un extraordinaire camouflet pour les propagandistes du gouvernement monténégrin qui, il y a encore quelques jours, accusaient Belgrade d'ingérence, de pratiques anti-démocratiques par le "fils spirituel de Milosevic" (lisez Kostunica) à l'encontre du petit Monténégro,... C'était bien sûr de la propagande crasse pour faire croire aux électeurs que la nouvelle Serbie est toujours l'ogre hégémonique voulant englober la petite République dans un projet nationaliste grand-serbe niant toute spécificité monténégrine. Une chose est en tout cas certaine, l'Europe et les USA, craignant pour la stabilité de la région (extrémisme albanais, Kosovo, Macédoine,...), voient le rêve personnel de Milo Djukanovic d'un très mauvais il... Coalition "Demokratska Koalicija Milo Djukanovic - Pobjeda je Crne Gore" ("Coalition Démocratique Milo Djukanovic - La victoire est monténégrine"): Coalition "Zajedno za Jugoslaviju" ("Ensemble pour la Yougoslavie"): Les partis isolés: NSS (Narodna Socijalisticka Stranka - Parti Socialiste Populaire): dissidence du SNP dirigée par son ex-président Momir Mulatovic, fidèle de Milosevic encore aujourd'hui. LSCG (Liberalni Savez Crne Gore - Alliance Libérale du Monténégro): parti dont le but premier est l'indépendance avec des conceptions historiques révisionnistes. Agit de manière assez maladroite. 50% des voix dans et autour de Cetinje, moins de 8% des voix au niveau national. Partis des ethnies faiblement représentées et quelques petits partis folkloriques (communistes, écologistes, extrême-droite,... comme le SRS de Vojislav Seselj). 447.673 citoyens (sur 650.000 habitants) sont appelés le dimanche 22 avril 2001 à nommer 77 parlementaires dont 5 sont d'office attribués aux Albanais (représentation garantie, quel que soit le parti). 6.000 voix sont nécessaires pour obtenir un siège. 3014 observateurs (dont 273 étrangers) seront répartis sur 1.093 bureaux de vote ouverts entre 7h et 21h.
La situation au Parlement avant le 22 avril 2001: |
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