L'INDÉPENDANCE COMPROMISE. D'ABORD DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES LE 22 AVRIL 2001

22.01.2001

BRUXELLES - Le Conseil des Ministres des Affaires Étrangères de l'Union Européenne vient de conseiller au Monténégro de laisser tomber l'idée d'indépendance pour favoriser une redéfinition des relations avec la Serbie au sein de la fédération existante. Jugeant inappropiée la création de nouveaux États dans les Balkans, les Européens craignent de provoquer un nouveau bouleversement dans la région surtout en raison du Kosovo.

Zoran Zizic, le Premier Ministre de la Fédération yougoslave (et vice-président du SNP) dit s'être fait conforté par ses interlocuteurs étrangers que l'Occident ne soutient pas l'indépendance du Monténégro et n'acceptera aucune décision unilatérale. Les Occidentaux ont toutefois précisé que si un référendum rendait le Monténégro indépendant, cette décision devra être resepectée. Mais ils rappellent que ce n'est pas la meilleure solution tant pour la petite république que pour la région.

Zoran Zizic a aussi voulu mettre les points sur les i suite aux déclarations de Filip Vujanovic, le Premier Ministre montenegrin qui affirmait que lorsque le Monténégro deviendra indépendant, rien ne changera pour la population, il n'y aura pas de passeport, pas de visa, plus de contraintes inter-Étatiques. Zizic n'est pas de cet avis et veut dire aux Montenegrins que si la république devient indépendante, la Serbie considèrera le Monténégro comme celui-ci l'aura désiré: indépendant. Et la position de la Serbie envers le Monténégro sera la même qu'envers la Bosnie, la Croatie ou la Macédoine. En susbtance, "il ne faut pas leurrer les Montenegrins avec des déclarations pour rendre les perspectives plus douces" a dit Zizic. Le Monténégro devra acheter les vivres à la Serbie, il n'y aura plus d'échanges confraternels...

Au sein même du petit (mais bouillonant) monde politique montenegrin, on a assisté à un mini coup de théâtre avec le rapprochement entre le DPS (Demokratska Partija Socialista - Parti Démocratique des Socialistes) de Milo Djukanovic et le SNP (Socialisticka Narodna Partija - Parti Socialiste Populaire - serbe) pour l'organisation des élections législatives anticipées le 22 avril 2001. Le SDP (Socijaldemokratska Partija - Parti Social Démocrate - indépendantiste composé de nombreux Musulmans), l'ancien partenaire du DPS au sein de la coalition éclatée, réclamait pourtant le référendum avant les élections. Une demande surtout motivée pour gagner du temps mais cette perspective a été rejetée par une majorité de députés tout simplement parce que l'on ne peut organiser une loi solide sur un référendum s'il n'y a plus de coalition.

Le Parlement devra donc être renouvelé et là on peut s'attendre à quelques bouleversements de taille. Déjà, Predrag Drecun, membre du Comité Exécutif du NS (Narodna Stranka - Parti Populaire - serbe modéré) a annoncé que son parti a des chances de devenir le premier parti de la république puisqu'il récoltera les voix des déçus du DPS au pouvoir et du SNP de l'opposition. Après s'être plusieurs fois plaint de la politique antiserbe de la télévision d'État, le NS préconise cette fois à la TVCG de ne rien changer dans sa politique éditoriale. "Plus la propagande antiserbe sera forte, plus les gens, qui ne sont pas dupes, voteront en faveur du NS". Aussi simple que çà...

À l'opposition des Occidentaux sur la question de l'indépendance, vient s'ajouter le "Niet" des Musulmans, principalement concentrés dans le Sandzak, au Nord du Monténégro. Dans un récent article, vous avez déjà pu lire que les Musulmans du Monténégro sont opposés à l'indépendance car leur région du Sandzak est à cheval entre les deux entités fédérées et comme le signale Harun Hadzic, un des leaders des Musulmans du Nord, cela "provoquerait la division de notre groupe ethnique dans deux États indépendants".

Forcément, la Serbie est opposée à la désintégration et pour rehausser son image de marque vis-à-vis des Montenegrins, le 7e bataillon, unité spéciale de l'Armée Yougoslave que beaucoup considèraient comme la première ligne de l'intervention serbe au Monténégro, sera complètement démantelé pour ne plus exister du tout, même pas en Serbie. Ce processus de désintégration est actuellement en cours a assuré Nebojsa Pavkovic, le n°1 de l'Armée Yougoslave.

Milo Djukanovic tient absolument à ce que le référendum soit organisé avant le 30 juin car la période estivale est peu propice à l'activité politique. "Sinon ce sera pour l'automne" a-t-il ajouté. Voilà que la perspective du référendum s'éloigne puisque si les déçus du DPS votent en faveur des NS ou du SNP, les Serbes reprendraient le contrôle du Parlement et l'idée du référendum serait alors réléguée aux oubliettes. Par contre, si les déçus du DPS se rabattent sur le LSCG (Liberalni Savez Crne Gore - Union Libérale du Monténégro - indépendantiste) ou le SDP, de nouvelles coalitions sont encore possibles mais elles seraient plus hétéroclites. Dans ces conditions, une loi sur le référendum serait aussi plus difficile à obtenir qu'il y a six mois...

Il faut aussi rappeler que le projet indépendantiste de Milo Djukanovic ne fait pas l'unanimité même au sein de son propre parti; le chant de la Serbie démocratique redevient séduisant pour un grand nombre de Montenegrins. Au grand dam des partis indépendantistes qui se sentent trahis par le DPS qui perd de plus en plus de sa crédibilité en simulant une prétendue volonté indépendantiste mais qui par diverses manœuvres politiques fait tout à présent pour maintenir la Fédération. Mais ce qui est certain, c'est que les relations entre la Serbie et le Monténégro devront être redéfinies légalement.

Djukanovic inculpé ?

Milo Djukanovic n'est pas au bout de ses peines. D'après le quotidien croate "Republika", lors de sa récente visite en Croatie, les autorités croates lui auraient signifé qu'elles ne soutenaient pas son projet indépendantiste. Ce même quotidien n'hésite pas à parier sur une possible inculpation de Djukanovic par le Tribunal Pénal International de La Haye pour sa participation politique, comme Biljana Plavsic, aux assauts de l'Armée Yougoslave dans le sud de la Croatie et plus particulièrement sur Dubrovnik... On se souvient de la déclaration du Président montenegrin au quotidien belgradois Politika en 1993: "Slobodan Milosevic est la meilleure chose qui puisse arriver à la Yougoslavie actuellement lorsque les forces fascistes vampirisées en Croatie et en Slovénie essayent de détruire tout ce qui a été construit depuis 1945. En ces moments historiques, je suis fier d'être avec lui, épaule contre épaule, pour défendre les acquis de la révolution".

Après Zagreb, Djukanovic a fait un saut à Belgrade pour rencontrer Vojislav Kostunica et Zoran Djindic, les dirigeants yougoslaves. Les deux camps sont restés sur leurs positions (fédération forte pour Kostunica et Djindjic, fédération molle d'États indépendants pour Djukanovic) mais ils ont promis de se revoir. Mais quand ?

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